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De l’importance des mots

Je suis incapable de dire « mon violeur ». C’est toujours « le mec qui m’a violée ». Je n’étais aucunement active dans ce qu’on m’a fait et je refuse de l’être dans ma propre parole, ou dans celle des autres. Ce viol n’est pas le mien. Je ne veux pas que les mots donnent l’impression que je l’accepte. Je n’aime pas non plus dire que « j’ai été victime de viol ». Non. J’ai été violée. Que l’on n’enlève pas toute la violence, que l’on ne nie aucun aspect de cet acte, direct, en utilisant un langage qui ne l’est pas. Il est impressionnant de voir à quel point une tournure de phrase change la perception d’un évènement. On dit « elle s’est faite violer » d’une personne comme on dirait « elle s’est faite avoir », comme si quelque part c’était évitable, la faute du violeur s’éclipse derrière la faute à pas de chance. Placer la personne comme sujet est d’ailleurs assez parlant : « elle S’EST », c’est son propre choix, elle se l’est infligé d’elle-même. Entre alors toute la rhétorique humiliante de questionner le véritable non-consentement de la personne que l’on ne connaît que trop bien. Quelqu’un m’a violée. La seule chose que je vais me faire, c’est justice.